Le 11 mai 2018, Fanny, François et Yoann prennent le départ de la Normandicat, une course hors-normes de 900km autour de la Normandie.
On avait chacun nos challenges à relever, en préparation pour d’autres courses (#ZBTR2018, #TCR2018) ou comme une finalité ; cette Normandicat est aussi l’occasion de passer du temps entre copains et co-équipiers, et de parcourir une région de coeur, de la route des Caps à la Suisse normande. Notre planning de route était ambitieux. Comme on est déjà arrivés, on peut vous le dire sans spoilers : on l’a tenu !
Rendez-vous au départ du 900km afin de rencontrer Xavier, l’organisateur. On croise quelques coureurs en terrasse d’un café. Dans cette région proche de la Manche, il y a davantage d’Anglais que de Français. Rouleurs avertis et novices d’une telle distance se mêlent, dans une ambiance conviviale et fidèle aux alleycats (bien que personne n’ait osé ouvrir de bière avant le départ).
A 22h, tout le monde se lance dans son programme. Notre groupe part vers St Vaast la Hougue, vers le Nord-Ouest ; d’autres partiront vers Jumièges à l’Est, ou encore vers Clécy. Autant dire que sur la quarantaine de participants, on ne forme pas de peloton serré dans une seule direction. On prévoit de ne pas dormir la première nuit : il y a l’adrénaline du départ, l’excitation de rouler de nuit, et aussi l’ambition de rouler les 900km en 2 jours, 2x 450km, qui nous tiennent éveillés.
1ère nuit
Le parcours est libre et on a travaillé la map en amont sur quelques semaines. De nuit, nous passons par les petites routes, de manière à rester protégé et à voir et être vu facilement. Tom partage notre route au début ; il a les poches remplies de sandwichs au fromage de chèvre. Vers 3h du matin, la pluie s’invite et on s’abrite une heure dans un abribus/bunker en essayant de dormir. Trois vélos, trois cyclistes et une couverture de survie bruyante ne permettent pas de prendre beaucoup de repos.
Cap de la Hague, deuxième check point, et le jour se lève doucement. On repart, avec un vent enfin clément car nous nous dirigeons vers le Sud, vers Granville. C’est l’heure du café, et notre radar en détecte un heureusement ouvert assez tôt.
1er jour
Quand on repart, le soleil promet enfin de réchauffer la route. Duncan rejoint notre groupe et on roulera ensemble jusqu’au soir. Sur la longue distance, on se retrouve et on se perd fréquemment. Même en roulant ensemble, il y a peu de drafting : il est essentiel que chacun avance à son rythme, sans forcer. Yoann et Duncan partent souvent devant ; Fanny et François ne cessent de se dépasser et de se motiver ainsi mutuellement. On croisera, à l’approche de notre mi-parcours, dans l’autre sens, d’autres participants à la Normandicat.
A Granville, Duncan n’est plus à nos côtés et nous nous retrouvons tous les trois pour déjeuner de chips, taboulé, sandwichs et framboises. C’est aussi le moment de mettre de la crème solaire, il fait enfin chaud. On profite du café pour vous partager ces instants en live sur Instagram.
Les checkpoints relativement rapprochés nous permettent de visualiser nos étapes à court terme, et il est plus facile alors de tenir nos objectifs. Notre plan de route nous permet aussi de voir quelles villes on va traverser, en cas de nécessité. Duncan nous a rejoint de nouveau et Yoann et lui partent en tête. Lignes droites et toboggans s’enchainent jusqu’à Clécy, où c’est justement au pied d’un vrai toboggan que se trouve le checkpoint. Yoann et Duncan profitent de leur avance pour dormir. C’est déjà la fin de l’après-midi et si on veut tenir nos temps, il nous reste 80km jusqu’à St Cénéri.
Ces derniers kilomètres sont les plus difficiles, on a l’impression de ne pas avancer. François et Fanny s’embourbent d’ailleurs dans un chemin ; François escalade un pont de pierre, et Fanny passe une rivière pieds nus, sous les yeux absolument pas impressionnés d’un troupeau de vaches. On arrive tout de même juste avant la nuit près de l’église où on a décidé d’établir le campement. Finalement dans les temps prévus, Duncan et Yoann ont toujours la forme et préfèrent ne pas gâcher cette énergie. Ils partent donc pour prendre de l’avance sur la journée du lendemain.
2ème nuit
Fanny/François
Il fait froid la nuit en Normandie, les sacs de couchage se couvrent de rosée. L’église sonne toutes les demi-heures. Il n’empêche, après un bon dîner (sandwich au fromage) et le saut d’un chat ou d’une bête plus curieuse sur le sac de couchage de François, on ne se réveille pas avant 5h du matin.
Le plus difficile n’est pas de se réveiller, mais de sortir du sac de couchage, hors duquel on se gèle. On se prépare donc rapidement en espérant se réchauffer sur la route, ou surtout dans un café. On n’en trouvera pas à moins de 20km de notre chambre à coucher dans la nature, et la journée commence enfin avec cette première pause.
Yoann/Duncan
Yoann et Duncan s’arrêtent pas beaucoup plus loin, environ à 40km de St Cénéri. Par pure chance, lorsqu’ils font leur arrêt pour décider s’ils continuent ou pas, une maison en chantier s’offre comme le bivouac idéal. Le réveil sera aussi difficile, car levés et partis à 4h45, le soleil met pas mal de temps avant de se pointer !
2ème jour
Tout au long de cette deuxième journée, Yoann restera deux bonnes heures devant François et Fanny, qui, eux, font des étapes entre les checkpoints avec chacun leur tour plus ou moins d’énergie et la motivation commune d’arriver à Jumièges et au bac.
Le vent n’est plus notre ami et sans l’avoir jamais de face, il nous agace fortement. La chaleur est forte dans la journée. On s’arrête peu, constamment à la limite de notre planning. Il n’empêche, entre une habitante étonnée de voir des cyclistes, depuis la veille, prendre sa maison-paquebot en photo à Bernay, les 40km de petites routes de rêve après Lyons la forêt, et le corps qui prend le rythme du roulage, l’estomac qui s’habitue au sucre et au sel, cette journée se passe rapidement et efficacement.
Si on ne roule pas ensemble, on reste en contact via des messages et avec toute la communauté qui nous suit sur les réseaux. C’est motivant de partager et on rigole de Yoann, qui, en éclaireur, nous avertit de toutes nos erreurs de mapping.
Note de Yoann : il y a des chances que vous m’ayez entendu gueuler de là où j’étais perdu dans les champs 😉
A Jumièges, on (François + Fanny) prend connaissance de son passage au bac, deux bonnes heures plus tôt. Il est 20h, et on ne compte pas perdre 6h à dormir, alors que l’arrivée est dans 130km seulement. On s’arrête une dernière fois ensemble pour s’habiller pour la nuit, et manger. La dernière étape se fera de nuit, on se souhaite bon courage ; on se reverra à l’arrivée, pour ne pas s’imposer un rythme, surtout si l’un d’entre nous a besoin de 5 ou 10 minutes de repos pour repartir ensuite.
L’arrivée, 3ème nuit
Cette nuit se passe de manière différente et étrange pour chacun d’entre nous.
Yoann
Bien que je roulais seul, j’ai pu recroiser Duncan aux checkpoints, particulièrement à celui de Jumièges où j’ai fait une jolie erreur de parcours en me trompant de bac pour traverser la Seine ! Magnifique perte de temps… Un petit peu frustré, je souhaite rattraper mon retard. Ca tombe bien car l’énergie est là, je suis bien équipé en nourriture, donc je n’aurai pas besoin de m’arrêter sur les 150 derniers kilomètres. A ce stade, il s’agit juste de ne pas oublier de pédaler. Dès que je me sens confortable, je me dis que c’est pas ce qu’il faut, et je me remets à appuyer un peu en danseuse pour me donner un coup de fouet.
Fanny
Pour ma part, j’ai l’impression que les 80km premiers kilomètres sont faciles et lents. Je me dis que je vais découper la distance restante par tranches de 25km, au bout desquels je ferai des petites pauses pour manger ou fermer les yeux. Je ne m’arrête pas sur 80km. Je regarde le soleil se coucher, les étoiles éclairer la nuit ; j’écoute mes pneus sur la route silencieuse ; je me fais un choc d’adrénaline en passant une voie en travaux, sans savoir si au bout il y a une autoroute ou un cul-de-sac. Je grimpe dans une forêt que je ne vois pas, des chiens aboient en me suivant le long de ce qui paraît être un grand domaine. J’ai envie d’arriver près de la mer. Quand j’arrive à Houlgate, je me rends compte que j’ai vraiment pris mon temps. Je m’arrête enfin et la fatigue me surprend. Je consulte mes messages, les encouragements, et puis je vois aussi que ma lampe annonce qu’elle en a marre (elle en aura marre pendant les 50km restants sans s’affaiblir pour autant). Je continue un peu, et mon Garmin plante. Je sens que la fin va être difficile. C’est là que débarque François, et je suis heureuse de retrouver un compagnon de route au milieu de la nuit alors que je commençais à faiblir.
François
Les premiers kilomètres dans la nuit se passent à merveille : j’ai les jambes, je n’ai pas sommeil, tout se passe bien. Vers 23h30, coup de mou, je décide de quitter la trace GPS en voyant la direction de Pont L’Evêque. Un café, un coca, seront certainement salvateurs. Après cette pause, en voulant retrouver ma trace avec Google Maps (conseil : utilisez l’appli en mode voiture, pas en mode vélo), je me retrouve dans des passages gravel. Au départ plutôt calmes, ça finit en descentes limite VTT ; je dégonfle un peu mes pneus (merci les 35mm Compass tubeless) . Après ce passage un peu hard, c’est de plus en plus dur mentalement. C’est pile à ce moment que je retrouve Fanny, ce qui me redonne de l’énergie.
On fait ensemble et sans se lâcher les 50 plus longs kilomètres de ces 900 bornes. Fanny a besoin de parler pour ne pas s’endormir, et François se concentre et accélère pour se réveiller. On passe par un chemin gravel (une route neuve, selon François), on hésite encore une fois à 5km de l’arrivée avant de faire un dernier détour pour ne pas quitter la route.
Fanny et François arrivent, Duncan et Yoann dorment, Xavier se réveille pour nous accueillir. On discute à voix basse et Yoann se lève pour nous féliciter. On est crevé et on n’a pas vraiment sommeil ; il est 3h30 du matin. Dans 3h, les participants au 200km arriveront.
Le lendemain
Pelotonnés dans nos sacs de couchage, cette fois bien à l’abri, on ne dort que quelques heures. On se lève alors que Xavier, lui, prépare l’accueil des participants au 200km. On profite de leur ravitaillement alors qu’ils arrivent en nombre. Le café est encore une fois bienvenu. On est content de retrouver Christophe, un habitué de la boutique, qui emmène Benjamin sur son premier 200km.
On remonte sur le vélo pour rouler jusqu’à la gare. Les fesses sont douloureuses. Pourtant, on récupérera tous les trois très rapidement, après une bonne nuit de sommeil. Pas de douleurs intenses, pas de blessures… Yoann et Fanny se sentent rassurés pour le #ZBTR2018 dans moins d’un mois. Dans le train, on dort, on mange encore quelques victuailles normandes qu’on embarque avec nous. On revient sur nos 900km, cette expérience qui nous enthousiasme plus encore qu’avant pour ce format d’ultra-cycling.
Merci
Pendant ces deux jours et trois nuits, on a été porté par notre passion, mais aussi, grâce au travail des deux Patrick, de Romain, de Claire restés à la boutique, on a reçu le soutien de toute une communauté. Ces encouragements relayés ont été un coup de fouet pour nous, dans les moments difficiles ; et la joie ressentie au terme de ces 900km, on a envie de la partager avec vous. Merci de nous avoir suivis ; d’avoir envoyé des messages ; de toutes vos félicitations. Si on veut aller plus loin, c’est parce que ça nous plaît d’abord ; mais savoir tout plein de gens au courant de nos aventures nous donne envie de continuer.
A bientôt, sur la route.